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7 décembre 2006

Le juge d'instruction, un poste menacé ?

murcianoLe vendredi 20 octobre dernier, le juge d'instruction au tribunal de grande instance de Grasse (Alpes-Maritimes) Jean-Pierre Murciano a laissé sa robe de magistrat au placard. Durant deux heures, il était l'invité de la première conférence de l'année au collège international de Cannes. Parmi les thèmes débattus avec les étudiants en journalisme : l'avenir du juge d'instruction.

Le juge d'instruction est-il en voie de disparition ? En tout cas, incontestablement, sa marge de manoeuvre s'amenuise petit à petit. La loi Perben II, promulguée en 2004, en est le dernier exemple. « Elle permet au procureur d'avoir plus de pouvoir et donc d'aller loin dans l'enquête sans saisir le juge d'instruction. Avec cette loi, le parquet a repris la mainmise sur l'enquête » explique Jean-Pierre Murciano. Or le procureur est un maillon de la chaîne politique. La volonté des législateurs devient alors claire : ne pas laisser échapper des dossiers dits sensibles, concernant des hommes politiques. Car une fois saisi, le juge d'instruction peut enquêter comme il le souhaite. D'après les chiffres, la dimunition de son importance se confirme : « Il y a dix ans, j'avais instruit environ cent-quatre-vingt enquêtes. A la fin de cette année, j'arriverai à un total de soixante-dix. »

Supprimer le poste de juge d'instruction ?

Si le souhait des législateurs est d'en limiter les actes, pourquoi ne pas supprimer directement le poste de juge d'instruction ? Il faudrait alors trouver un nouveau système pour le remplacer. Le juge Murciano prend l'exemple de l'Italie : « On y a crée des magistrats hybrides, à la fois procureur et juge d'instruction. Mais en Italie, le procureur est indépendant du pouvoir ». Le juge vient de pointer l'endroit où le bas blesse. Impossible, en France, d'adapter le modèle transalpin sans modifier en profondeur le statut des procureurs.

Depuis dix-neuf ans, Jean-Pierre Murciano exerce au tribunal de grande instance de Grasse. S'il n'a pas apiré à grimper les échelons, à rejoindre le parquet et ses pressions politiques, c'est justement pour conserver une certaine indépendance. Certes le salaire n'est pas mirobolant, mais le juge d'instruction bénéficie de l'inamovibilité. « Si un magistrat du parquet s'oppose à sa hiérarchie, il peut être envoyé à un autre endroit. Le juge d'instruction, quant à lui, ne peut être déplacé de force ».

Durant sa carrière sur la Côte d'Azur, le juge Murciano aura connu plusieurs désaisissements d'enquête par la chambre d'instruction d'Aix-en-Provence. Si certains étaient justifiés, d'autres l'étaient moins : « J'ai fait quelques erreurs dans l'instruction de certaines enquêtes rendant évidents mes désaississements. D'autre fois, les personnes inculpées avaient une telle influence qu'elles pouvaient, par le biais de réseaux, me désaisir de l'enquête. »

Diffamation plutôt qu'assassinat

Aujourd'hui, il ne s'estime pas menacé : « Mon métier est moins dangereux que pilote de canadair. Désormais, les personnes convoquées ou mises en examen cherchent plus à diffamer les juges d'instruction, les faire désaisir d'une enquête, plutôt qu'à les supprimer ». Des méthodes plus vicieuses qui n' attirent pas le regard des médias. Au contraire, leurs auteurs trouvent là un moyen de décrédibiliser et d'éloigner de l'enquête un « fouineur », sans susciter la même polémique qu'un assassinat.

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